lundi 27 juin 2011

Triangle de Christopher Smith



Rares sont les films de genre qui innovent ces derniers temps et lorsque leurs réalisateurs sont assez doués pour tenter de modifier cette nouvelle mode du "cinéma industriel", on pousse le vice jusqu'à ne pas, ou très peu les distribuer en salles. Christopher Smith est un de ceux-là.

Après le prometteur "Creep", le délirant "Severance" et l'intelligent mais trop peu connu "Black Death", le voici qui frappe à nouveau avec "Triangle", petit chef d'oeuvre qui mélange les genres, entre science fiction, slasher et drame, pour le plus grand plaisir de l'amateur de films de genre. Car ne vous y trompez pas, à l'époque où l'on nous bourre le crâne avec des films français aussi minables que "Low Cost" ou "La Croisière", où les films de ce type sont aussi dénigrés dans notre pays, c'est encore une fois en dvd que l'on peut se procurer ce bijou, pas sur les écrans de cinéma où il aurait mérité sa place.

Prix du meilleur "Direct to video" au festival de Gerardmer cette année, "Triangle" nous livre un début d'histoire déjà vu, mais accrocheur: une bande d'amis décide de partir en virée en mer. Jusqu'ici tout va bien, ou pas, puisque peu de temps après, une tempête éclate, vous connaissez la chanson: le bateau se retourne, et le groupe se retrouve en bien mauvaise posture. Pas pour longtemps, puisqu'ils finissent par monter à bord d'un paquebot abandonné. Abandonné? Ce qu'il va leur arriver par la suite peut permettre d'en douter.



(Là, c'est le moment typique où tu cries à l'héroïne de bouger ses petites fesses sous peine de se faire trucider séance tenante)


En débutant son film à la manière d'un slasher ordinaire, Smith bascule peu à peu vers son but original, afin de perturber le spectateur tout en lui laissant la possibilité de réfléchir à ce qui se déroule sous ses yeux.
S'il est difficile d'en dire plus sans spoiler les points forts du scenario, la construction du récit permet au réalisateur de prendre le contre-pied du film d'horreur pour basculer de la scène typique appartenant au slasher (le massacre du théâtre est assez marquant) à de la science fiction pure. Le film n'aurait d'ailleurs rien de détonnant dans une saison de la Quatrième Dimension, et certaines de ses scènes les plus marquantes (la situation dans laquelle se retrouve Sally à un moment donné)sont bien parties pour devenir cultes.

Remarquablement bien écrit et intelligent, en se plaçant uniquement sous le point de vue de son héroïne, "Triangle" parvient à être émouvant et accessible là où des films comme Inception ou L'Agence et autres Source Code perdent certains de leurs spectateurs par une trop grande complexité d'écriture.

La direction d'acteurs n'est pas en reste puisque Melissa George(qui après les Amityville, 30 jours de nuit ou Turistas se construit une réelle carrière dans les films de genre) est bouleversante, en héroïne pesée par un quotidien difficile et manipulée par le sort qui semble s'acharner sur elle. Après Franke Potente (Creep), Laura Harris (Severance), Smith sait tirer le meilleur de ses actrices pour les pousser à montrer toutes leurs capacités dans des rôles difficiles.

Si l'on ajoute à cela la réalisation efficace, et une photographie impeccable, qui sait jouer avec les contrastes du clair/obscur, tout en donnant un côté sombre et angoissant aux décors, "Triangle" est définitivement l'un des dvds à ne pas rater cette année.

La démonstration même qu'on peut encore faire des films intelligents, sans des montagnes d'argent et surtout avec un talent qui n'est pas gâché au profit de la reconnaissance des grands studios. Avec ce film, sans doute le plus abouti de sa filmographie, Smith montre qu'il reste encore des réalisateurs qui respectent les films de genre, qui aiment leur rendre hommage tout en les renouvelant intelligemment et "Triangle", c'est ce que l'on appelle communément une "claque".

Un classique en puissance, à voir et à revoir, en boucle.